Considérations générales sur les données MEDAMP par rapport aux objectifs internationaux de protection du milieu marin à atteindre

La France s’est fortement engagée au niveau international pour améliorer la protection de la biodiversité marine. Cela à travers différentes conventions et dispositions ; les plus importantes sont :
- le soutien au plan stratégique pour la biodiversité de la convention sur la diversité biologique (Convention on Biological Diversity - CBD), qui repose, entre autre, sur l’adoption des objectifs d’Aichi ( l’Aichi target 11 https://www.cbd.int/sp/targets/ ).
- l’adoption de l’Agenda 2030 pour le développement durable des Nations Unies (UN) et ses 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) = Sustainable Development Goals (SDG), (http://www.un.org/sustainabledevelopment/oceans/ ).

Ces deux dispositions engagent les pays contractants à protéger efficacement et équitablement 10% de leurs eaux territoriales avant 2020.

Si un certain nombre des pays (parmi eux la France), ont déclaré avoir atteint ou même dépassé une protection de 10% des surfaces de leurs eaux territoriales le point concernant une protection « efficace et équitable » demeure souvent non vérifié. Dans ce sens l’objectif principal d’Aichi, bien décrit dans le texte officiel (protéger efficacement et équitablement 10% des eaux territoriales avant 2020), n’est pas atteint.

En fait le point crucial concerne la définition du terme « protégé ». La science a clairement démontré que la réponse des écosystèmes aux réelles mesures de protection (l’effet réserve) est flagrante dans les zones strictement protégées où toutes les activités extractives et destructrices sont interdites (sauf pour des besoins scientifiques) ; l’accès y est interdit dans certains cas. Ces zones de non prélèvement sont également appelées réserves intégrales (« no take area » pour les anglo-saxons). Dans les définitions des niveaux de protection proposées par MEDAMP, ces zones sont de niveau I (elles bénéficient de moyens spécifiques de surveillance) ou III (sans moyens spécifiques de surveillance).

Concernant les zones partiellement protégées, il s’agit de surfaces marines où des usages sont interdits, entre autres certaines catégories de pêcheurs (ou certaines de leurs pratiques) peuvent être interdites, réglementées ou autorisées. Leur rôle est de concilier l’exploitation des ressources marines et de soutenir le développement socio-économique avec la sauvegarde de la biodiversité en adoptant des pratiques durables. Ces zones partiellement protégées sont aussi appelées « zones tampon » et leur efficacité est nettement inférieure aux zones strictement protégées (PISCO et UNS, 2016 ; http://www.piscoweb.org/science-marine-protected-area-med ). Dans les définitions MEDAMP des niveaux de protection, ces zones sont de niveau IV à VII (elles bénéficient toutes de moyens spécifiques de surveillance).

De notre point de vue une protection « efficace » idéale n’est vérifiée que dans les zones de non prélèvement surveillées spécifiquement par des agents commissionnés (assermentés) - de Niveau I selon notre classification. Pour répondre au qualificatif d’« équitable » ces zones doivent être entourées de cercles concentriques de zones tampons réservées en premier lieu aux pêcheurs professionnels (pêche traditionnelle non industrielle) puis aux différentes catégories de pêcheurs de loisir avec des contraintes plus ou moins fortes. Elles devraient aussi être bien réparties dans les tranches bathymétriques en privilégiant les petits fonds entre 0 et – 50 m (les plus vulnérables et les plus utilisés par différentes catégories de sociaux professionnels et de touristes).

Lors d’un congrès réunissant les gestionnaires de la plupart des aires marines protégées de Méditerranée (le forum 2016 des Aires Marines Protégées) tenu à Tanger en décembre 2016, ce problème de l’objectif à atteindre des conventions d’Aichi et des Nations Unies a été évoqué. La notion de définition d’aire marine protégée efficacement y a été débattue. Constatant que pour la plus part des pays la seule protection efficace est représentée par les zones de non prélèvement (no take areas – de Niveau I) et sachant qu’elles représentent actuellement moins de 0,1% des surfaces des eaux territoriales de l’ensemble des pays riverains de la Méditerranée (PISCO 2016) une déclaration solennelle a été votée à l’unanimité par les 300 participants : un objectif de 2% des eaux territoriales de chaque pays riverain de la Méditerranée devrait être mis en zone de non prélèvement d’ici 2020 (voir la déclaration de Tanger : http://www.medmpaforum.org/sites/default/files/cp_declaration_de_tanger_2016.pdf ).

La base de données MEDAMP permet de calculer avec précision les taux de protection des côtes françaises de la Méditerranée. Ces données démontrent que nous sommes en 2017 très loin des objectifs à atteindre puisque les zones de Niveau I ne représentent que 0,62% de la surface de la tranche bathymétrique 0- /-50m initiale (déjà réduite de 1 % par près de 1000 constructions gagnées sur la mer). Si on considère les eaux territoriales, le pourcentage des zones de non prélèvement ne représente plus que 0,1 %.

Dans les surfaces cumulées de Niveau I, une vaste zone créée récemment dans le parc national des Calanques se situe autour de la zone de déversement des résidus de l’usine d’alumine de Gardanne (le Canyon de Cassidaigne) et une autre autour du plus grand émissaire urbain des côtes françaises de la Méditerranée où les eaux, plus ou moins bien épurées, se déversent en surface (dans la zone de non prélèvement de l’archipel du Riou). Si on déduit de la surface globale des zones de niveau I ces deux zones peu propices à la défense de la biodiversité de zones naturelles, le taux de protection de la tranche bathymétrique 0/-50 m des côtes françaises de la Méditerranée tombe à 0,44 % et celle des eaux territoriales à 0,055%.

Si on ajoute aux surfaces de non prélèvement surveillées spécifiquement (Niveau I) les surfaces de non prélèvement ne bénéficiant pas d’une surveillance spécifique (Niveau II) et les surfaces protégées où une surveillance spécifique est organisée avec des interdictions ou réglementations importantes de la pêche (interdiction d’une catégorie de pêcheurs ou limitation du nombre d’une catégorie de pêcheurs : niveaux IV à VII réunis) ; le cumul de ces surfaces de non prélèvement et de réglementation importante de la pêche avec surveillance spécifique (zones partiellement protégées), que l’on pourrait assimiler aux caractéristiques souhaitées par les objectifs des conventions internationales, correspond à un taux de protection de 3,26 % pour la tranche bathymétrique 0/-50m et 0,368% des eaux territoriales.

Il nous semble évident que les termes d’ « efficace » et d’ « équitable » ne peuvent être considérés pour qualifier des vastes zones situées pour certaines bien au-delà de la mer territoriale, aux confins de la zone économique exclusive française, où aucun moyen juridique et humain ne sont mis en œuvre pour réellement protéger l’intégrité de la biodiversité marine. De ce fait nous considérons que les zones que nous avons classées dans les niveaux VIII et IX ne peuvent être comptabilisés dans les objectifs des conventions internationales.

Par ailleurs, la base de données MEDAMP donne le taux de recouvrement des aires marines protégées et des réserves de pêche (par exemple la surface cumulée des 36 sites Natura 2000 en mer est couverte à plus de 50% par d’autres aires marines mieux protégées). Dans les objectifs à atteindre, il faut tenir compte de ces recouvrements et ne pas additionner des surfaces de zones géographiques identiques.

A trois ans de l’échéance des objectifs à atteindre par les accords internationaux, il semble urgent de renforcer partout un véritable maillage de zones marines protégées « efficaces et équitables » donc de Niveau I ou II (zones de non prélèvement) entourées de zones tampons concentriques (Niveaux IV à VII) où les pêcheurs professionnels seraient privilégiés (zone réservée autour des zones de non prélèvement) et les pêcheurs de loisir autorisés avec des contraintes de moins en moins fortes en périphérie des zones de non prélèvement. Ces zones réellement protégées de façon efficace devraient aussi être bien réparties dans les tranches bathymétriques en privilégiant la protection des petits fonds entre 0 et – 50 m (les plus vulnérables et les plus utilisés par différentes catégories de sociaux professionnels et de touristes). Les moyens humains et matériels pour la surveillance sont fondamentaux pour garantir les différents niveaux de protections. Enfin, la communication et l’homogénéisation des chartes graphiques des différentes aires marines protégées et réserves de pêche doivent aussi être sensiblement améliorées.

 

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